Parfois son silence étrange me hantait le cœur. Elle restait à sa table comme prostrée. Ses yeux ne fixaient rien de précis. Perdue dans une mélancolie superbe. Je me débattais
pour que ma présence colore son âme mais elle en décidait autrement. Je tentais de m'immiscer dans ses tourments afin de nous sauver tous les deux, mais mon souffle sur sa nuque ne l’apaisait pas. Au contraire, plus je m'imposais, plus elle se fermait dans une coquille sans mots. Elle me voulait pourtant. Elle se démenait pour que mon existence se mêle à la sienne, elle construisait puis détruisait puis reconstruisait, sans jamais atteindre une satisfaction qui aurait soulagé son esprit. Elle allait jusqu’à me manipuler sans vergogne lorsqu' elle était au plus mal. Je me laissais faire par lâcheté ou par amour, mais souvent, je me rebellais, je la devançais, je lui échappais ; je respirais sans elle. Mon audace lui rendait la vie. Ses yeux dansaient alors avec une frénésie enfantine, et le ciel jusque-là empêché, pénétrait peu à peu dans la pièce. Son visage s'animait et son corps se déliait. Elle m'insufflait une audace d'homme qui naissait à grand peine. Je l'avais surprise, elle m'en remerciait par des mots farandole.
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